Tuesday, January 27, 2009

SousContrôle

Vint le moment de comprendre ce qui était incompréhensible, la poésie, et donc celui de devenir fou. Le fait était là, suis-je en train de parler ? Trop de « je » devant mes yeux, trop pour Moi.
Je divague et je m'assassine.
Je me mis à écrire des vers qui brulèrent il y a longtemps, je me mis à écrire sans chronologie, sans me soucier de ceux qui me non-lisent. J'oubliais mon culte à l'invisible. J'inventais des longues énumérations d'adjectifs pour qualifier des styles que je ne maîtrisais pas, j'inventais des mots et et sans cesser de m'en rendre compte je laissais des vagues d'encres m'engloutir. J'oubliais ce que j'aurais dû savoir et mon peu de connaissances contenait les rebuts de mon âme. Mes yeux étaient des membranes déchirés et gorgées d'eau, j'avais le visage gelé on eut dit un vieux dieu. J'étais mort autant de fois que les siècles tombent, mes os dans leurs tombeaux irradiaient d'une pleine ombre.
Je vis et suivis la cavalcade effrénée de la fin des poèmes, je vis chaque chose se dédoubler. Je vis les murs se tâcher de blanc, les mains cesser de battre. Je vis les yeux vitreux et calmants, je vis des peaux de rose et d'asphalter
Lié, harnaché sur un lit droit dont j'apprendrais plus tard qu'il était celui des fous.

La fenêtre est rayée mais le soleil ne se gêne pas. Dehors quelques arbres vacillent, fragiles sous les crachats du vent. Parfois une petite vague de feuilles forme un rouleau qui glisse sur le sol avant de s'écraser, par manque de vie ou de place, et laisser chacun de ses composants s'éparpiller vers sa non-vie d'avant.
La pelouse est d'un vieux vert qui vire au gris en quelques endroits. Des bancs y ont poussé depuis quelques années mais rares sont ceux qui s'assoient dessus.
L'étendue d'herbe froide est dans une cour classique où je n'ai jamais mis les pieds car je suis enfermé dans la forteresse qui la délimite. Je vois ses murs de l'autre côté, ils sont austères et crevassés, ponctués par de petites fenêtres incrustées dans un schéma régulier. Je vois quelques personnes qui, comme moi, sont debout derrière les vitres et rêvent d'un pied dehors, même tranché.
J'imagine leur chambre comme sil elle était la mienne. Il y a un calendrier si vieux qu'on a cessé de compter les années où on le remettait à zéro, une table où règnent une carafe et un verre d'eau, une petite chaise d'aspect macabre avec sa peau blanche et ses os froids, un lit dur où l'on est souvent harnaché et pour finir


Il y a moi.


J'oublie vite disent les médecins, j'ignore leurs noms bien qu'ils doivent souvent me le dire, mais j'apprends bien. Ils s'occupent de moi, me disent que ça passe. Je demande qui est ma famille et on me dit qu'elle vient me voir régulièrement mais que je ne m'en souviens pas. Je demande si le hasard ne fais pas bien les choses et on me répond que ce n'est pas dû au hasard mais à la maladie et que non, elle ne fait pas bien les choses.
Je m'assois et me met au travail qu'ils me confient. Je fais des enveloppes avec des feuilles de papier. Je demande à écrire de la poésie mais on me le refuse.
« Par précaution » qu'on m'assure.
Mais je demande un stylo au médecin. Il refuse avec un sourire mais il tremble. J'insiste, je dis même que « Je ne suis pas fou ». Il me dit que non, et non, que je suis juste malade et que ne pas écrire fait partie de mon traitement.
J'agrippe le médecin par le col, lequel s'arrache. Il -le médecin- se met à crier et, avant que l'énorme individu de la sécurité n'arrive- frappe le médecin et prends le stylo. Je crois que ça c'est passé dans cet ordre.
Par sécurité je suis mis dans une chambre aux murs de coussins. C'est amusant mais pas drôle, je crie, je hurle. On m'intime de me taire et j'accepte.
J'ai gardé le stylo, j'écris sur les murs.

Je me relis. Je ne comprends pas. Il y a des bouts de temps qui manquent et je suis fatigué. Je vis les choses comme si les transitions n'étaient pas nécessaires.
On vient la porte.
Je me sens comme le personnage central du Dernier jour d'un condamné, j'ai envie de dire que le médecin là derrière moi vient comme un bourreau m'emmener à l'échafaud mais non.
Il me regarde, me dit de finir ma phrase et me reprend le stylo.

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