Sunday, March 2, 2008

L'Exil

Envie de mettre au propre le début du livre sur lequel je travaille, un peu d'auto et beaucoup de fiction. C'est un peu prétentieux sûrement, mais pourtant j'ai l'impression d'avoir vécu une histoire pas banale alors... Le titre du livre c'est "L'exil". Il y a sûrement de grosses erreurs mais justement, c'est votre aide et vos avis que je demande.

Chapitre 1

« Le scrutin est tombé, j’en ai la tête tranchée nette. J’aurais tant voulu qu’elle gagne tout en sachant que cela était impossible. Il n’y a rien de plus beau que l’impossible souhaité.
Mes bagages sont déjà faits, j’avoue que j’ai pris les devants par manque de confiance. Je m’exile, mais à l’époque était-ce vraiment pour cela que je fuyais, l’ébranlement maladif de la plus belle démocratie du monde ?
Je m’exile mais je ne suis pas Victor Hugo alors qui s’en souciera ? Que cette raison soit politique ou sentimentale elle n’en reste à mon âge qu’une histoire peu crédible, à peine un roman rose pour midinettes. Qui d’autre que mes proches le retiendra ? Même envers ce petit animal dilettante que l’on nomme « mémoire » et qui m’a déjà trahi, je n’ai pas confiance. Si ça se trouve dans dix ans je ne me souviendrais pas de cette aventure.
Honnêtement, est-ce un mal ? Personne ne gardera mon nom dans son esprit ou du moins pas pour cette péripétie juvénile. Et si le monde s’intéressait vraiment à la vie d’un jeune homme de dix-huit ans ce siècle sans but écrirait déjà la partition de son chant du cygne.
Ce siècle sans but, j’insiste, comme le dix-neuvième avant lui. Mais ici il n’y aura pas de changements ni d’intellectuels, il n’y aura pas de Hernani ni de Cromwell. Nous avons les Da Vinci Code et autres Eragon, mais ce siècle ne connaîtra peut-être jamais de belles moissons.
Ce siècle c’est la merde. »

Voilà ce à quoi je pensais avant de m’ébahir du capharnaüm humain qui régnait dans l’aéroport de Montréal. Des hommes et des femmes venus du monde entier dans ce lieu plein de vie où l’on n’apprend à n’en connaître aucune. Ici tout le monde court en traînant ses bagages lourdement chargés de vêtements, de dossiers importants et de souvenirs, peut-être d’appareils photo.
J’avais la valise la plus lourde de la famille, j’y avais mis tous mes vêtements, pas mal de livres et beaucoup de babioles qui donneraient à mon appartement le côté jeune lycéen bordélique de ma chambre. Heureusement pour moi, par quelques odieuses manipulations sentimentales, j’avais convaincu ma petite amie de la porter pour moi.
J’embrassais le Québec déchargé de tous mes poids.
Il faisait beau en ce mois d’août, on était encore à quelques mois des premières neiges dégueulasses qui collent les routes en paquets grisâtres et juteux. Tout était beau tellement j’étais libre et heureux en ce moment. Même le laid de cette horrible situation était beau et je lui collais sur chaque joue deux baisers innocents. Je crois qu’à cet instant, où je songeais déjà à ce qui allait arriver malgré toutes mes ambitions, même ce qui se tramait entre elle et moi était d’autant plus beau que je le voyais nettement, peint en noir sur blanc avec un pinceau fin de calligraphe japonais.
La masse de gens autour de moi, heureux de se retrouver après un mois d’exil, inquiets de partir ou tristes d’être seuls et de devoir raconter leur périple au chauffeur de taxi, avançaient toujours dans ce désordre qu’on appelle la foule.
Je comprenais mon bonheur mais pas le leur. Etaient-ils si heureux de voir leurs proches ? Ou bien était-ce le soulagement d’avoir survécu à ce vol qui jadis les hantait. Cloîtrés huit heures dans un oppressant dragon de métal à ne pas savoir qu’à la fin tout finira bien. Peut-être y aura-t-il un problème cependant, que l’avion juste avant le leur s’écrasera à l’atterrissage dans un nuage noir, le cri des mourants recouverts par celui des gyrophares salvateurs. D’autres passagers d’autres vols auraient, apeurés, admiré le ballet des secours dans cette extraction laborieuse des plus malchanceux du moment, les pleurs des parents et des amis. Oh oui ! Ils auraient été heureux ces survivants d’être en vie pour contempler ce cruel spectacle, pourtant nécessaire afin de savourer la vie comme elle se doit.
Mais ce jour-là il n’y eut pas de morts et ma nouvelle vie commençait dans le calme innocent d’une fin de vacances d’été. Je ne le savais pas encore mais dans mon inconscient ce cher ami Thanatos, de tous les confidents le plus fiables, cultivait dans mon jardin secret une petite plante aux feuilles noires et aux épines suintantes de poison.
J’étais heureux.
Mon père avait loué une voiture du genre américaine, imposant et qui devait laissait derrière elle un horrible sentier invisible de gaz nuisible. C’était une Dodge Charger et je dois avouer que je la trouvais plutôt belle malgré ses coupes massives qui faisaient de notre C5 une Twingo à côté d’elle.
Pierre et moi sommes restés ébahis devant le volume du coffre, digne des meilleurs corbillards coupés sports du monde. Ma petite amie voulait aller avec ses parents, grand bien lui fasse ! J’étais trop heureux pour la laisser noircir mon tableau. Après un mois passé dans un pays où, naïve qu’elle était, elle s’émerveillait devant les clichés et fuyait comme une femme dégoûtée l’horrible inconnu qui fait pourtant le charme d’un voyage, elle avait hâte de tout raconter à sa famille, du détail le plus insignifiant jusqu’au plus beau monument de Paris. Quelques semaines avant, j’aurais sûrement insisté pour qu’elle vienne avec moi, me disant qu’elle était la saveur de ma vie. Ce jour là je me sentais différent, ce que j’aimais dans notre amour c’était son irréalité.
Je prenais rapidement mes marques dans la voiture, laissant dans le vide-poche de ma porte un carnet et un stylo qui ne me serviraient pas, mais j’aimais mieux anticiper mes envies. Il m’arrivait, et m’arrive toujours, souvent d’avoir une phrase qui me traverser l’esprit au moment où je m’y attends le moins et je déteste ne pas pouvoir les noter. J’ai dans des tiroirs mal fermés une incroyable collection de phrases éphémères que je trouve d’une beauté saisissante mais qui ensemble ne forment rien de bon. Ce sont mes petites orphelines qui errent au fil de leur gré dans l’univers sans limite de ma volonté. Lorsqu’une image me touche ou qu’un son m’émeut une petite phrase éclot. Elles n’ont de fait aucune utilité, mais je les adore. J’aime l’inutile, le monde a besoin de l’inutile comme il a besoin de meneurs ou de boucs émissaires. Je suis l’inutile et je ne ferais jamais de grandes choses, ce qui m’empêchera d’en faire des stupides. Je ne sers à rien d’autre que donner une nouvelle dimension à la réalité.
J’ai emmené avec moi un petit carnet rouge que je trouve d’une exquise sobriété. Il s’agit de ce format de carnet qui n’ont pas de spirales et que l’on referme grâce au système d’aimant lové dans les couvertures en simili cuir. Il y a quelques semaines j’ai écrit dedans des mots sans importance réelle qui ne servent qu’à voir si le papier est doux. J’écrirai mon livre dedans, c’est le lieu idéal. Ce livre c’est mon exil, c’est la confession d’un enfant du siècle et un peu de mon absurde histoire.
Je sens que le premier chapitre va bientôt se clore, j’aime les histoires aérées qui se content de séparer chaque fait par un chapitre. J’aime les petits livres aux colonnes serrées qui invitent à se blottir dans le confort d’une histoire. J’aime ce livre qui n’existe pas encore mais que pourtant vous lisez.


Saturday, March 1, 2008

Il faut un début à tout...


... et donc il en faut un à ce blog.

Je tape ce premier message alors que je devrais être en train de faire cette putain de DM pour les genres de la prose, mais un devoir à rendre PENDANT une semaine de vacances ça me trouble et ça y est, la première de mes larmes coule lentement. Les premiers jours de ces congés vont être dédiés aux devoirs et à l'enfermement pour une note qui ne comptera même pas dans mon dossier. Un douloureux exil interne, mais bon ce thème me colle à la peau.
Tout à l'heure au dépanneur (ainsi sont désignés les petits commerces ouverts trop d'heures par jour pour un salaire de misère au Québec) j'ai vu un paquet de JPS alors forcément... qui aurait pu résister à ma place ?

En rentrant je m'en suis allumé une sans réfléchir, là, posé devant mon four comme une épave. Tout de suite, avec les premières bouffées de cet adorable poison, les beaux jours de terminale sont revenus en masse, histoire de me titiller les sentiments. Les magnifiques moments passés art plastique avec Bérenger et les autres où, mine de rien, j'étais à l'aise, à réfléchir et à créer, ont toujours cette saveur nicotine sur laquelle tous ensemble nous déposions un peu de notre fiel et beaucoup de nos délires. Je n'ai pas beaucoup peint cette année là, mais je crois que ce fut une de mes années les plus productives au niveau des textes.
Cette année j'ai un peu de mal à garder cette constante d'un texte par semaine (pas forcément très bon, ni très long, pour la plupart jetés ou perdus, mais il n'y a rien de plus beau que de créer). Pourtant je vais essayer de gérer cette ardeur et les devoirs imposés par l'Université.
Cela veut dire que je sortirais moins, que je mangerais plus de pâtes, que je serais plus sur MSN et que mes voisins entendront plus souvent de la musique qui ne leur plait pas. Tant pis pour eux, ils n'ont qu'à pas passer l'aspirateur à cinq heures du matin, les salauds.
Je dois avouer que c'est mon troisième blog. Le premier était très représentatif de mon adolescence (et pourtant je suis encore dans cette odieuse période), mes tâtonnements avec le surréalisme mais surtout mon vrai désir d'un jour être écrivain, quitte à en crever s'il le fallait. Je me cherchais un monde à cette époque et je ne le trouvais pas. Le blog a sombré dans l'oubli mais il m'a permis de faire de beaux apprentissages et aujourd’hui encore je m'en souviens comme un bon moment.
Le deuxième blog ? C'était de la merde et j'en ai eu conscience tout de suite après l'avoir créé. La preuve est que mon frère n'a jamais su qu'il avait existé, lui a qui je dis tout. Pourtant, dans un élan masochiste je suppose, je l’ai entretenu en secret pendant quelques semaines et, à part deux ou trois malheureux curieux, personne n’a dû recevoir le faire-part de naissance de cet avorton virtuel.
Voilà le troisième, j'espère qu'il sera dans la lignée du premier avec cependant plus de maturité.
Je me souviens encore de mes premiers pas dans l'écriture (je ne suis pas encore au stade où on peut dire "littérature"), je devais avoir huit ans, une histoire vraiment naze d'île avec des lézards géants et une fabrique de sac à mains.
Y'a des jours, on est content de grandir.

Celui qui m'aimait



Il me déchire la peau, je le sens. Ses ongles percent ma chair et jouent avec mes nerfs, je ne sais pas pourquoi je ne hurle pas de douleur. Milles petits couteaux semblent m’embrasser, je frissonne.

Pourtant le ciel était bleu, les oiseaux chantaient et c’était kitsch, mais bon. On avait passé l’après-midi à s’embrasser sans toucher au pique-nique que je nous avais fait la veille.

Voilà qu’il atteint mes os, je le sais. J’entends d’ici le choc de sa main trop pleine d’élan qui se cogne contre les vertèbres. Je ne comprends pas ce qu’il fait, ni pourquoi il le fait. Je sens juste ses doigts virils se coller contre ma colonne.

Il m’avait dit que j’étais la plus belle de toute, que jamais il n’en avait vu une comme moi. Il m’a dit qu’il m’aimait, et il me l’a prouvé.


Il repose ce qui reste de ma dépouille sur une chaise en osier qui grince sous mon poids. Un peu de poussière s’envole et me voile la face. Le sang doit couler sur mes plaies, mais je ne sens rien.

Lorsque le soleil s’est couché, il a commencé à se sentir mal, il m’a dit que la nuit le rendait violent. Je l’ai rassuré de maintes caresses, mais il tremblait de plus en plus, comme s’il avait peur.

Il me regarde et ouvre la fenêtre, l’air pur de la nuit me fouette le visage. Il s’agenouille devant moi et commence à caresser mes jambes, puis il me mord les mollets. D’abord doucement, puis il enfonce ses dents dans mon corps et je me sens comme une de ses bulles éphémères que s’amuse à crever un enfant.

Je l’avais ramené chez moi, il avait de la fièvre. Je lui ai épongé le front mais il n’a rien dit. A un moment j’ai cru qu’il s’était endormi, alors je suis allé m’allumer une cigarette. A mon retour, il m’a dit que j’étais bonne pour lui, il m’a appelé « ma chère et tendre ».

Le jour s’est levé, il s’est endormi. Je ne lui en veux pas pour cette nuit, j’ai aimé ça. Lorsqu’il se réveillera, j’ai hâte qu’il me couvre de baisers et qu’il m’appelle « ma chair est tendre ».


note : ce texte est un fragment que j'ai écrit l'an dernier, une sorte de speed mais pour un texte.